Editon des
27, 28, 29 juillet 1830
Le Moniteur Universel
Archives de la Famille ROQUES
Les 3 Glorieuses

REVOLUTION A PARIS
Témoignage direct de Jules Bainville, commerçant.

Lettre expédiée le 10 août 1830 à Aline CHABAUD, née VALLADE, l'épouse d'Etienne CHABAUD, médecin à Mirepoix.
L'auteur Jules BAINVILLE est son beau-frère, son épouse est Elisa, née VALLADE.


Page 1 de la lettre
Page 2 de la lettre
Page 3 de la lettre
Page 4 de la lettre

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                         Paris le 10 Août 1830

                         Ma chère amie,

 

    Je ne crains pas de vous faire payer un port
de lettre de plus pour vous donner des détails qui
piqueront si vivement la curiosité, surtout quand
on les tient de personnes qui vous sont proches
et qu'on présume bien par là qu'elle n'ont aucun
intérêt d'augmenter ou de diminuer les faits.

    Rien n'a été plus affreux que cette nouvelle
révolution ma très chère amie pour ceux qui n'ont
pas vu l'ancienne, mais rien n'a été plus beau
plus valeureux et plus généreux à la fois que
les braves guerriers qui nous ont gagnés nos nouveaux
trophées. Le peuple avait en général la Soif du
sang, mais seulement de celui qui avais
porté atteinte à nos institutions, de celui qui voulait
nous mettre des fers quand nous demandions la justice,
aussi le 3.e de C.ie de la garde Royale et la soif de sang
il a été le plus mal traité dans cette affaire,
les gendarmes s'en sont retirés plus tôt et leurs
pertes ne s'évalue encore qu'a 15 ou 20 pour
la cavalerie, autant pour l'infanterie, quant au
3.e C.ie de la garde et le Suisse, il en est très
peu resté. On présume que le nombre d'hommes ...

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... tant bourgeois que militaires peut s'évaluer à
4000. nous avons eu 600 blessés aux hôpitaux
et il n'y en aura guère que 200 qui s'en échapperons
tant les coups partirent de près (Si tu étais ici,
mon cher Chabaud, tu aurais bien de l'ouvrage de taille !).
Mais trêve de plaisanterie et mêlons plutôt notre plume
à ces pauvres mères de famille veuves et sur le sort
de ces pauvres orphelines ! Jamais souscriptions ne
pourrons les payer des pertes qu'elles ont faites.
Quoiqu'on en fasse de nombreuses ici !

     Je coupe ici le fil de mon discours parce que je veux
finir par où j'aurais dû commencer, vous me le pardonnerez,
je suis si content de tous ce dénouement que je m'y
trouve embrumé tout naturellement.

     Le 26 avait été rendue les ordonnances de Charles dix
l'imbécile, aussitôt des mesures de police furent prises
pour dissiper les attroupements, bon moyen au contraire
de les faire naître en mettant en vedette des gendarmes
et des patrouilles piétonnes, c'est ce qui est arrivé,
aussitôt le Palais Royal, les passages furent fermés
et tout le monde, curieux comme tapageurs furent
refoulés dans les rues, tout fut cependant tranquille et en suspens
jusqu'à la nuit, mais alors commencèrent
les petites hostilités, la troupe ordonne conjointement
avec le Commissaire au peuple de se retirer et à peine la
3e. invitation expirait-elle sur les lèvres du commissaire
qu'on fit feu sur les auditeurs. Ceci arriva devant le ...

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Palais Royal, une personne fut tuée, une autre
le fut encore à une croisée, et l'un de ces deux
morts fut emporté par le peuple et l'on le
fit voir à la multitude comme un signal de rage et
de vengeance, celui qui fut tué chez lui fut également
exposé à la croisée au regard du peuple. Alors
quelques personnes prirent les armes, d'autres
montèrent des pavés dans les maisons, d'autres
s'armèrent de piques et l'on ferrailla comme cela
toute la nuit, on brûla aussi le corps de garde
de la Bourse, deux gendarmes ont failli être rôtis.
Il faut vous dire aussi que le même jour toutes les
fabriques furent fermées, surtout les imprimeurs
qui étaient ceux sur lesquels pesaient fortement les
ordonnances. Le 2.e 27, jour on fut plus hardi, on
se mit en bataille, on établit des barricades dans
toutes les rues (même dans notre noble faubourg) on
coupa les arbres sous les boulevards et de cette manière
on intercepta tous les passages, on laissa seulement
de quoi passer une personne du côté des maisons.
Ainsi en garde contre la cavalerie on alla les attaquer
de front, on attaqua toutes les petites parties,
on s'empara de leurs armes, on sauta sur les
quelques petits pelotons, on força la porte des
armureries et presque tous les citoyens étaient
armés en 2 heures de temps, très peu cependant avaient des munitions.
L'école polytechnique descendit, l'école de médecine...

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malheureusement la fin de la lettre manque!

celle de Droit, et se confièrent le commandement de
la petite armée ; le 28 alors un enfant de 16 ans
prit la première pièce de canon, on prit et reprit
5 fois l'hôtel de ville, enfin ce jour là tout Paris
était sous les armes, on s'était emparé aussi la veille
de la poudrière on avait eu une ou deux caisses de balles
du poste de l'Abbaye et avec cela la journée du
28 a été brillante on a pris les casernes restantes
le Louvre, les Tuileries, la caserne Babylone (où
nous étions assez près) l'école militaire et le Panthéon.
Enfin pendant ces 3 jours, le canon n'était pas une
heure sans tirer, le tocsin n'a pas non plus
cessé de se faire entendre, c'était bien lui le plus sinistre,
dans la nuit cela vous déchirait le cœur, la
caisse aurait bien mieux fait l'office mais dans ce moment
on ne pense qu'à se défendre et à appeler aux armes.

Enfin le 29 au soir quand tout fut gagné nous
allâmes avec Elisa dans le quartier St Denis et
St Honoré mais ce spectacle tout vivifié qu'il était
par les cris de joie qui ne cessaient de se faire
entendre était bien déchirant, nous passions comme
on venait de charger 292 morts dans un bateau,
une autre charrette était là et l'on faisait faire place
le pistolet à la main ; c'était encore des morts que l'on
voulait faire passer et qui restèrent jusqu'à ce que l'on
ait déblayé les barricades, les blessés étaient sur les portes,
on les rentraient dans les maisons et partout ils
recevaient des soins les plus affectueux, les plus touchants, enfin c'était un concours
d'humanité de générosité et de grandeur d'âme dans toutes les classes de la Société, il
n'est pas jusqu'aux chiffonniers qui dans ce moment mépriserons l'or, l'argent, les
pierreries, la preuve c'est que tous les meubles de l'archevêché furent jetés à l'eau
et que l'on conserva l'argenterie et le linge que l'on remit à l'hôtel de ville. Quand un maladroit
volait, il était fusillé sur le champ...

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